Depuis 2011, la Monnaie de Paris milite avec cinq autres pays européens pour l’instauration d’une pièce de 5 euros à la place du billet. Or la BCE, quant à elle, préfère très nettement les billets… à cause de l’illusion qu’ils donnent aux gens d’être plus riches.
En avril 2016, l’Allemagne a lancé une nouvelle pièce de 5 euros ayant pour thème « La Terre – planète Bleue ». Outre le coup médiatique parfaitement préparé grâce à une présentation soignée au World Money Fair à Berlin, cette pièce a surtout relancé le débat qui oppose depuis aujourd’hui 20 ans les partisans des pièces d’euro à ceux qui préfèreraient une généralisation des billets à partir de 1 euro.
La pièce, plus économique, inciterait les citoyens à plus dépenser
D’un côté, on trouve les pragmatiques, les économes, qui avancent avec raison les nombreux avantages des pièces de monnaie par rapport aux billets, et notamment leur durée de vie. Ainsi, l’actuel président directeur général de la Monnaie de Paris, Christophe Beaux, explique pourquoi il milite depuis 5 ans pour le remplacement du moche billet de 5 euros par une belle pièce sonnante et trébuchante, «sur le modèle du 5 francs suisse», précise-t-il. Et son argument massue, c’est que l’espérance de vie d’une pièce de monnaie atteint facilement les 40 ans, alors qu’elle dépasse rarement un an pour un billet. Alors, certes, son coût de fabrication est plus élevé (en moyenne 5 fois plus), mais sur la durée, elle est beaucoup plus économique.
De leur côté, les Allemands voient un autre effet vertueux à la pièce, c’est qu’elle pousse plus facilement à la dépense. Du point de vue des experts de Francfort, une nouvelle pièce entretiendrait l’idée auprès des citoyens que l’euro est inflationniste (et les marchés cherchent justement des signes d’inflation) : passer du billet à la pièce laisserait entendre que 5 euros n’ont plus la même valeur qu’avant. D’ailleurs, il faut se souvenir qu’une pièce de 5 € était bel et bien prévue au démarrage de l’euro, puisque le coffret officiel des essais de frappe édité en 1996 en contenait une. Et si on y a finalement renoncé, c’est surtout pour une raison… psychologique !
Le billet plus apte à circuler… et à donner l’impression qu’on est riche
Car en face des partisans de la pièce, on a tous ceux, peut-être un peu plus manipulateurs, qui ne jurent que par le billet, prenant modèle sur la devise américaine qui circule au format papier à partir d’un dollar seulement. Pour ces partisans d’un futur billet de 1€, la notion de richesse perçue est fondamentale car, posséder des billets, même de faible valeur faciale, donnerait au consommateur le sentiment d’être plus riche, de « posséder de l’argent » et par conséquent du pouvoir d’achat. La création d’un billet de 1 euro pourrait donc avoir un réel impact psychologique sur les consommateurs, avec peut-être des conséquences favorables sur la croissance.
La BCE elle-même n’est pas insensible à ces arguments, d’autant qu’elle subit régulièrement la pression des nouveaux pays entrés récemment dans l’union monétaire européenne, qui militent eux aussi pour la création de billets de 1 et 2 €, plus pertinents au regard de leur niveau de vie que des coupures de 200 ou 500 €. Mais la Banque centrale européenne reste particulièrement réservée quant au coût de l’opération, car pour elle, un billet d’1 euro coûterait aussi cher à fabriquer qu’un billet de 500 euros, à savoir 6 centimes l’unité. Et on comprend qu’à coût égal, elle préfère produire des coupures à plus forte valeur faciale.
Pourtant, quelques signes semblent aller dans le sens de l’introduction d’un prochain billet de 1 €. Tout d’abord, alors que l’espace Schengen ne cesse de s’étendre, se balader avec des pièces de monnaie d’un bout à l’autre de l’Europe n’a aucun sens, sans oublier qu’un porteur de billets voyage bien plus facilement à travers le monde puisque les bureaux de change n’acceptent plus les pièces en dehors de la zone euro. Si le dollar a acquis sa position internationalement dominante, c’est aussi grâce à son très symbolique billet de 1$ reconnu et apprécié jusque dans les coins les plus reculés et les plus pauvres de la planète. Quant au second signe, il vient de la BCE elle-même qui a récemment décidé de ne plus fabriquer de billets de 500 euros (sous prétexte de lutter contre la fraude et le trafic de drogue). Avec l’économie d’une coupure en moins à produire, même si c’est loin d’être la plus courante, peut-être que la banque centrale européenne prépare le terrain pour un billet de 1€ dont le surcoût pourrait très largement être compensé par l’arrêt de la production de son équivalent métallique… dont les quelque 6 milliards d’exemplaires déjà en circulation sont de toute façon prévus pour encombrer nos poches jusqu’aux alentours de 2050.