En février dernier, tandis que le journal Les Échos interrogeait Xavier Timbeau, économiste à l’OFCE, à propos de la situation européenne plutôt instable, celui-ci déclarait :
« Nous faisons l’analyse que le risque d’éclatement de la zone euro est réel. Certains d’entre nous le voient d’un bon œil, d’autres pas. Mais il faut rappeler à l’Allemagne qu’elle a beaucoup à perdre en cas de disparition de l’euro, notamment en ce qui concerne son épargne investie dans d’autres pays européens ».
Or, dimanche dernier, on apprenait justement que la Banque fédérale d’Allemagne accélérait le rapatriement de ses réserves d’or actuellement déposées à l’étranger. Officiellement, cette opération s’inscrirait dans une politique de stockage prévue de longue date. Mais officieusement, on ne peut s’empêcher de constater une certaine précipitation (initialement, la récupération de l’or déposé à l’étranger devait intervenir à l’horizon 2020), mais aussi que ce sont surtout les coffres de la Banque de France qui ont été vidés, puisque finalement les États-Unis et le Royaume Uni devraient continuer à détenir de l’or allemand.
L’Allemagne craint-elle de laisser son or en France ?
On le sait, les Allemands aiment l’euro… mais pas forcément les autres pays européens. Et dès que l’un de ces pays voit son économie battre de l’aile (comme ce fut le cas de le Grèce dernièrement), Angela Merkel a toutes les peines du monde à imposer une sourdine aux voix toujours plus nombreuses qui exigent l’expulsion de l’État défaillant hors de l’Union Européenne.
A-t-elle finalement pris conscience du caractère de plus en plus instable de cette construction monétaire qui a cru pouvoir se passer d’une union politique commune ? Seul l’avenir le dira, mais en attendant, le gouvernement allemand trouve visiblement plus prudent de ne pas laisser trop d’actifs en circulation chez ses voisins mal-aimés, au cas où ceux-ci prendraient au mot l’opinion publique teutonne et quitteraient l’Union… avec son or.
Une démarche qui contribue à fragiliser l’Union européenne
Plus sérieusement, cette nouvelle marque de défiance envers la France, qui est l’autre grand pays européen, ne plaide pas en faveur d’une Union forte. Et on peut craindre que des tiers en tirent avantage pour mieux saper les fondements de nos démocraties. La récente crise des migrants fut un test de cette solidité, un test que l’Europe a raté et qui l’oblige aujourd’hui à traiter avec une Turquie trop heureuse de renégocier les termes de sa collaboration avec l’UE. Mais elle l’a également raté car elle n’a pas su prendre en compte la composante politique qui se cachait derrière le drame humain de ces millions de réfugiés. L’attentat de Bruxelles, comme ceux qui ne manqueront malheureusement pas de survenir dans les mois prochains, vont le lui rappeler cruellement.
L’Europe a baissé sa garde et les ennemis de la démocratie en ont profité, affaiblissant encore davantage les membres qui la composent. L’Allemagne étant dans une situation moins mauvaise que ses voisins, elle aurait pu saisir cette occasion pour réaffirmer son leadership et redonner à l’Union européenne une orientation forte. Mais elle préfère récupérer ses billes, un peu comme si elle ne croyait plus à l’unité européenne. Espérons seulement qu’elle se trompe…