Avec l’intégration du Bitcoin dans les stratégies d’investisseurs institutionnels, la cryptomonnaie serait en train d’acquérir ses galons de « réserve de valeur ». Aussi, les comparaisons avec l’or sont de plus en plus fréquentes.
Mettre le Bitcoin et l’or sur le même plan, c’est sans doute aller un peu vite en besogne. Explications.
Pourquoi comparer l’or et le bitcoin ?
L’or est millénaire et universel. De son côté, le Bitcoin a seulement 15 ans d’histoire et n’est accessible qu’à un faible pourcentage de la population. Ainsi, le dollar est une valeur bien plus partagée que le roi des cryptoactifs. Mais on peut trouver de nombreuses similitudes entre l’or et le Bitcoin.
Un volume maximum connu
C’est le premier élément que partagent l’or et le BTC : le volume maximum de ces actifs est connu. Et c’est une différence fondamentale avec les monnaies fiduciaires dont la création n’a pas de limites. La planche à billets n’existe pas pour l’or et le Bitcoin.
La quantité d’or
Pour l’or, selon les différentes estimations, 170 000 tonnes ont été extraites. Il resterait au maximum 50 000 tonnes sous la croute terrestre. Ce qui ne veut pas dire qu’il serait rentable de récupérer la totalité. Mais l’important, c’est que le volume d’or disponible ne peut pas augmenter brusquement, ce qui ferait chuter les cours. L’usage du métal jaune est partagé par des milliards de personnes sous forme de bijoux, pièces ou lingots.
Le nombre de Bitcoins
C’est encore plus simple pour la cryptomonnaie, puisque le volume de création de Bitcoins a été prévu par son créateur. Le chiffre est inscrit (non pas dans le marbre) mais dans le code : 21 millions de Bitcoins auront été « minés » en 2140. Pas un de plus !
Les inventeurs du Bitcoin ont clairement pris l’or comme référence puisqu’ils ont ajouté une autre caractéristique : plus le temps passe, plus il sera difficile de créer des jetons numériques. Dans leur esprit, c’est une manière d’augmenter le coût de production. Si on se projette dans l’industrie aurifère, cela correspond à la difficulté d’extraire du minerai dans des couches profondes ou difficilement accessibles.
Une absence de contrôle d’un pouvoir central
L’or : intraçable et échangeable quels que soient les pouvoirs en place
On ne va pas refaire ici l’histoire de l’or, mais dans le monde contemporain du début du XXe siècle, le système de valeur de référence, c’est l’étalon-or. Il n’est pas lié aux monnaies. Pourtant, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, les Américains prennent le contrôle de l’or avec les accords de Bretton Woods. Une once vaut 35 dollars. Les autres monnaies s’ajusteront sur le dollar.
À partir du 15 août 1971, date de la fin des accords de Bretton Woods, le cours de l’or n’est plus indexé sur le dollar : son prix, son usage et son commerce sont à nouveau libres. Le général de Gaulle avait d’ailleurs dénoncé ce Standard Gold Exchange qui, selon lui, permettait aux États-Unis de financer leur développement sur le dos des autres pays. Quel que soit le volume de dollars émis (ou de dette américaine), l’once d’or était fixée à 35 dollars. De Gaulle avait donc décidé d’échanger les dollars de la France contre de l’or à ce prix-là. Bien joué ! Quelques années plus tard, l’once libérée valait 650 dollars.
Révolution : la gouvernance décentralisée du Bitcoin
Toutes les personnes qui s’intéressent au Bitcoin depuis le début savent que la réelle révolution est la gouvernance décentralisée et anonymisée de cette valeur. D’ailleurs, ses créateurs ont mis en place ce protocole en réponse à la crise de confiance dans la finance déclenchée par les crises des subprimes.
C’est principalement sur ce point que les autorités monétaires ont toujours eu du mal à accepter le Bitcoin. Difficile de concéder que la « confiance », élément fondamental d’une monnaie, puisse être accordée à autre chose qu’un État. Mais plusieurs institutions financières commencent à admettre l’existence des cryptos. La présence d’Elon Musk dans l’entourage de Trump fait dire à certains analystes que le Bitcoin pourrait alimenter les stocks stratégiques de la FED (réserve fédérale des États-Unis).
Pour l’instant, Washington semble plutôt vouloir se débarrasser des 50 000 Bitcoins saisis sur le Darknet, avec un transfert de 19 800 BTC le 3 décembre dernier… Ce n’est pas le meilleur moyen de se constituer une réserve stratégique.
La revanche des monnaies privées ?
Friedrich Hayek, économiste nobélisé de l’école autrichienne, n’aura pas eu la possibilité de voir apparaître le Bitcoin.
L’écosystème blockchain : le rêve d’Hayek réalisé ?
Selon la Banque Centrale Européenne, la théorie d’Hayek (The Denationalization of Money, ouvrage de 1976) serait à l’origine de la création du Bitcoin. En effet, l’économiste affirmait qu’il était préférable pour l’économie d’avoir de nombreuses monnaies privées en concurrence, plutôt que des monnaies contrôlées par des pouvoirs centraux. Il opposait les monnaies privées aux monnaies contrôlées par un État qui ne cesse d’en produire pour croître. Autrement dit, les banques centrales génèrent de la dette pour maintenir le développement.
Hayek n’avait pourtant pas imaginé une monnaie dont l’usage d’échange est limité, avec un fort pouvoir spéculatif et finalement de réserve.
Avant le Bitcoin, l’école autrichienne poussait l’or
La pensée de l’école autrichienne se développe au début du XXe siècle, avant la crise de 1929. On pense notamment à Ludwig von Mises qui publie une théorie sur la monnaie et le crédit (1912) avec déjà, la volonté de réduire l’inflation provoquée par l’émission monétaire des différents gouvernements. Pour l’école autrichienne, l’étalon-or est la solution idéale. Cette unité de mesure limite le recours à la dette puisqu’elle n’est pas multipliable à l’envi. D’ailleurs, les banques centrales le comprennent bien puisqu’elles décident d’avoir des stocks d’or pour assurer leur garantie monétaire… aujourd’hui encore.
Réserve de valeur : or vs Bitcoin, qui gagne le match ?
L’élément qui joue le plus en faveur de l’or comme réserve de valeur, c’est avant tout l’étendue du marché.
Un marché plus vaste pour l’or donc une moindre volatilité
Chaque jour, l’équivalent de près de 180 milliards de dollars en or sont échangés. Et le plus important, c’est que la grande majorité de cet or (plus de 100 milliards de dollars) est acheté ou vendu dans un marché de gré à gré. Celui-ci n’est pas influencé par la bourse via des ETF ou des contrats Futures. En comparaison, alors que le Bitcoin est au plus haut, il s’est échangé sur une journée « seulement » l’équivalent de 40 milliards de dollars.
L’or : une réserve de valeur des banques centrales
Le classement des réserves d’or des différents pays ne change pas trop : les États-Unis sont en tête avec 8 133 tonnes d’or, puis l’Allemagne 3 300 tonnes et ensuite dans l’ordre, l’Italie, la France, la Russie et la Chine avec plus de 2 200 tonnes. Mais les stocks peuvent évoluer selon la volonté d’augmenter ou de réduire la place du métal précieux dans la réserve monétaire. Ainsi, les pays des BRICS ont décidé depuis quelques années d’acheter de l’or et de vendre de la dette américaine dans un objectif de dédollarisation.
Le saviez-vous ? Le 6 décembre 2024, la valeur de la réserve monétaire de la Banque de France était répartie ainsi :
- 197 390 millions d’euros en or ;
- 31 204 millions d’euros en devises ;
- 40 624 millions d’euros en créances du FMI.
Et pour l’instant : 0 euros en bitcoin.
Le Bitcoin : actif de réserve monétaire ?
Un pays, le Salvador, possède des Bitcoins dans ses réserves monétaires, puisque son président a décidé que cette crypto était une monnaie légale chez eux. Mais récemment, dans une négociation avec le FMI (Fonds monétaire international), le pays a été obligé de faire profil bas sur le BTC pour obtenir un prêt de l’institution internationale. « Trop de risque » pour le FMI.
Pour l’instant, aucun pays n’a fait le pas
Jérôme Powell, responsable de la FED, a expliqué lors d’une conférence que pour l’instant, la Réserve fédérale ne pouvait légalement pas avoir de Bitcoins dans ses avoirs. Mais c’est avant le retour effectif de Donald Trump au pouvoir.
Mais des institutions commencent à accepter le BTC
La première des institutions qui a accepté le Bitcoin, c’est BlackRock. Après avoir longtemps dénigré la valeur, le géant de la gestion d’actifs a retourné sa veste. Un signal fort après l’accord des autorités américaines pour un ETF Bitcoin.
En France, c’est la Banque Populaire qui a fait savoir qu’elle allait créer une filiale consacrée à ce type d’actif.
Après avoir dénigré et observé, les institutions commencent à s’intéresser de très près au Bitcoin. Peut-être que cette évolution permettra un jour à la cryptomonnaie de prendre une place comme réserve de valeur aux côtés de l’or.
Mais finalement, je me pose la question : comment Frederick Hayek aurait-il pris cette adoption d’une telle monnaie privée par les institutions et les autorités ?
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